Dans le cadre du cycle événementiel de 21 sur la longévité, nous avons organisé une séquence de décryptage au sein du pôle gérontologique 78 Croix-Rouge française de Sartrouville. A cette occasion, Axel Dauchez, fondateur de Make.org, a partagé les résultats de la grande consultation citoyenne “Comment mieux prendre soin de nos aînées ?”, un programme de 3 ans réunissant citoyens, associations, entreprises, institutions et médias pour agir concrètement sur des problèmes de société. La mission de Make.org ? Engager la société civile dans la transformation positive de la société.
Comment Make.org a décidé de traiter les enjeux liés au vieillissement ?
Axel Dauchez — Aujourd’hui, la France compte 1,5 million de personnes de 85 ans et plus. Celles-ci seront 4,8 millions en 2050. L’avenir de notre société passera donc par un meilleur accompagnement des personnes âgées et de leurs familles, afin de leur apporter une qualité de vie digne et épanouissante. C’est pour cela que nous avons lancé la Grande Cause “Comment mieux prendre soin de nos aînées ?”. Nous avons d’abord mené une consultation en posant cette question ouverte à 10 millions de personnes entre octobre et décembre 2018. A partir des solutions approuvées par les citoyens, nous avons bâti le premier grand Plan d’actions concrètes de la société civile en faveur des aînés.
Quels ont été les résultats de cette consultation ?
Axel Dauchez — A travers les 18 000 propositions envoyées, nous avons pu identifier quatre grands enjeux. Tout d’abord, la perte d’autonomie est un défi central. Les Français insistent moins sur la prévention (15%) ou les solutions d’adaptation au vieillissement (23%) que sur la nécessité d’un meilleur accompagnement au quotidien dans le vieillissement (62%). Ensuite, le lieu de vie, qui représente la dignité de la personne, est au coeur des préoccupations des Français. Ils estiment que les conditions actuelles ne sont pas au niveau du modèle social français et plaident ainsi pour un lieu que l’on a choisi, des conditions dignes, un lieu accessible financièrement et qui ne coupe pas de la société.
Les femmes sont en première ligne avec leur présence forte tant dans les corps de métiers de soin et de services aux personnes âgées que leur représentation au sein des proches aidants.
La nécessité de valoriser le rôle essentiel des acteurs de terrain est un cri d’alerte que nous avons aussi pu identifier. Mieux reconnaître le travail effectué par le secteur médico-social et les proches aidants auprès des personnes âgées que ce soit financièrement, humainement ou socialement, est l’une des revendications citoyennes majeures de cette consultation. Enfin, il existe une très grande inégalité sur le sujet des aidants : les femmes sont en première ligne avec leur présence forte tant dans les corps de métiers de soin et de services aux personnes âgées que leur représentation au sein des proches aidants.
Quelles sont les actions que vous menez actuellement pour répondre à cette consultation ?
Axel Dauchez — Nous avons beaucoup d’actions de société civile qui découlent des résultats de la consultation. Par exemple, pour réinventer les lieux de vie de nos aînés, nous travaillons avec Batimat, qui réunit pendant deux ans la totalité des opérateurs d’EPHAD, afin de lancer une multitude de concours d’innovations avec un fort poids médiatique.
Par ailleurs, nous travaillons sur un grand nombre de missions d’intérêt général qui vont devenir obligatoires pour les jeunes dans le cadre du Service National Universel, censé remplacer le service militaire.
L’idée serait d’orchestrer une filière dans laquelle des jeunes travaillent au service de nos aînés. Alors qu’avant nous faisions le service militaire pour protéger la nation, maintenant nous allons prendre soin des personnes âgés.
Le statut d’aidant est un sujet sur lequel nous travaillons également. Il s’agit d’un statut particulier peu valorisé, sur lequel repose beaucoup de responsabilités aujourd’hui. Nous mettons en place une formation certifiante à distance ou encore sur une aide concernant la partie administrative.Qu’attendez-vous du projet de loi Grand Âge & Autonomie ?
Axel Dauchez —La société civile a un rôle essentielle à jouer. Elle se doit d’être autonome sur ces questions et ce sont les initiatives prises localement qui permettent de faire avancer les choses concrètement.
Nous avons construit ces actions pour qu’elles soient complémentaires du projet de loi. Vu l’ampleur de l’enjeu du grand âge, la transformation de notre société doit s’appuyer sur les deux jambes, civile et publique, pour être à la hauteur.
Que pensez-vous du dispositif EHPADadom mis en place par la Croix-Rouge française à Sartrouville ?
Axel Dauchez — Le projet EHPADadom est exceptionnel : il démontre qu’en reconnectant toutes les parties prenantes (publiques, privées, associatives et civiles) on peut vraiment changer la donne pour le bien non seulement de nos aînés, mais aussi de la société elle-même et de son pacte social.