Le web vient de fêter ses 30 ans. Dès son origine, ce projet nous fait une belle promesse : partager le savoir, dépasser les frontières physiques et culturelles, donner le pouvoir aux individus et démocratiser les échanges. Malgré ses dérives, nous restons à la Croix-Rouge fidèles à son ambition première.
Si le succès de cette invention est incontestable, le risque de déception du plus grand nombre est immense. À commencer par son créateur. En effet, le chercheur britannique à l’origine du world wide web (cc Tim Berners-Lee), milite aujourd’hui pour un web ouvert et inclusif, au service des citoyens, à travers la Web Foundation : « Les entreprises doivent s’assurer que leur objectif d’un profit sur le court-terme ne se fasse pas au détriment des droits de l’homme, des valeurs démocratiques, de la vérité scientifique et de la sécurité publique ». Nous partageons cette vision que nous nous efforçons de mettre en oeuvre à la Croix-Rouge française. Nous souhaitons donner du sens à la transformation numérique de la société en mettant les nouvelles technologies au service du progrès social.

Comme le rappelle Bernard Stiegler, la technologie n’est pas neutre. Le philosophe français qualifie Internet de pharmakon : « Il est à la fois un dispositif technologique associé permettant la participation et un système industriel dépossédant les internautes de leurs données pour les soumettre à un marketing omniprésent et individuellement tracé et ciblé par les technologies du user profiling ». Les nouvelles technologies nourrissent aussi les fractures socio-économiques de notre pays, accentuent l’exclusion et la désinformation d’une partie de nos concitoyens et renforcent la concentration de nos ressources économiques.
En 2019, nous ne pouvons pas considérer le web sans déviances : depuis juin 2018, l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) a ajouté le « trouble du jeu vidéo » (gaming disorder) à la section sur les troubles de l’addiction. Selon une étude réalisée par l’Observatoire français des drogues et des toxicomanies (OFDT) en collaboration avec la Croix-Rouge française, un élève sur huit aurait un usage problématique des jeux vidéo. Au lieu de rassembler et de tisser des liens, l’arrivée du web a favorisé l’isolement et la dépendance aux écrans depuis le plus jeune âge.

Alors, quel bilan pouvons-nous tirer ? Les 30 ans d’expérimentation par le web montrent toutes les failles d’un projet jeune qui doit retrouver son sens originel. En matière de respect de la vie privée en ligne, l’Union européenne a répondu à l’appel au travers du Règlement général sur la protection des données (RGPD), entré en application le 25 mai 2018. Afin de mettre le capital technologique au service de l’intérêt général, la Croix-Rouge française a engagé une profonde transformation interne et prépare le lancement de 21, son accélérateur d’innovation sociale (cf. notre Medium de janvier 2019).
« Avec le temps, notre œuvre trouvera des applications de tous genres et des développements aussi précieux qu’inattendus » affirmait avec une clairvoyance prophétique le fondateur de notre mouvement, Henry Dunant, le 25 mai 1864 lors de la réunion de constitution de la Croix-Rouge française.
Tandis que le législateur répond au besoin d’encadrement du wild wild web, la Croix-Rouge intègre les outils du numérique afin de proposer des solutions innovantes dans les domaines de l’apprentissage, le premier secours, le handicap, la gestion de crise… En attendant le dévoilement des projets qui seront accélérés au sein de 21, l’Accélérateur d’Innovation sociale de la Croix-Rouge française, nous vous présentons trois cas concrets de projets web, tels qu’on aime à la Croix-Rouge française.
1. Digital learning |
Le renforcement de l’impact de la formation aux premiers secours grâce au numérique
La révolution numérique a bouleversé le paradigme de la formation et de l’apprentissage. La Croix-Rouge française déploie en 2019 un chantier transversal de modernisation de son offre de formation aux premiers secours. Ce projet répond à la fois de l’ambition de former le plus grand nombre de personnes aux premiers secours en proposant une offre plus accessible, attractive et performante (en 2018, ce sont 77 377 personnes formés et 63 286 initiées).
Parce qu’il s’agit de sauver des vies, la Croix-Rouge française se donne également pour objectif de permettre à chacun de passer à l’acte lors d’une situation d’urgence vitale, en assurant le maintien de l’acquis de compétences tout au long de la vie. Pour cela, nous faisons appel à deux technologies puissantes dans le champ de la formation :
. Le e-learning, qui permet à la fois de toucher une audience plus large et plus jeune, mais aussi de réduire les coûts liés à la formation présentielle et de faire jouer un mécanisme d’économie d’échelle ;
. Les technologies immersives, comme les casques de réalité virtuelle, qui plongent l’utilisateur dans un environnement numérique avec lequel il est capable d’interagir, en faisant appel à ses capacités sensorielles et motrices. Cette technologie augmente la rétention des informations sur le long-terme et la capacité à passer à l’acte.
2. Migrations |
Trace The Face, l’outil qui permet aux migrants de retrouver leurs familles
Dans le cas d’un tremblement de terre, une crise humanitaire ou un désastre environnemental, le web montre toute sa puissance en répondant à sa promesse initiale : partager des informations précieuses. Dans le cadre de leurs efforts pour réunir les membres de familles dispersées, plusieurs Sociétés nationales de la Croix-Rouge en Europe publient sur le web les photos de personnes qui recherchent des proches disparus. Si vous souhaitez bénéficier de ce service, vous avez deux possibilités : vérifier si vos proches sont en train de vos rechercher, ou faire publier votre photo pour permettre à vos proches de prendre contact avec vous.
3. Handicap |
Hobbynôme, l’app mobile qui permet l’inclusion des personnes en situation de handicap
L’objectif de cette application mobile est simple : faciliter le dialogue et partager des activités de loisir. Hobbynôme permet de mettre en relation des personnes en situation de handicap et des personnes non concernées par le handicap autour de loisirs partagés. L’outil permet ainsi de créer des binômes qui réaliseraient des activités culturelles et sportives ensemble dans une dynamique inclusive. L’idée in fine ? Favoriser la citoyenneté et le bien-être de tous.
C’est au travers de ces trois exemples que nous souhaitions célébrer avec vous les 30 ans du web. Avec cette conviction profonde que la technologie peut, et doit, permettre d’améliorer notre société, de partager le savoir, d’agir plus rapidement dans l’urgence, de faciliter le dialogue et l’action à l’international. En un mot, à augmenter l’impact social des actions humaines à travers le monde.